Instagram c’est dangereux : les effets méconnus sur la santé mentale

Instagram c'est dangereux : les effets méconnus sur la santé mentale

Scroller jusqu’à perdre la boule : l’envers du feed Instagram

On la check vite fait en sortant du lit. On y retourne en attendant le café, une fois dans le métro, au moindre creux dans la journée. Instagram, c’est devenu ce réflexe quasi cérébral qui nous fait scroller sans fin, un peu comme on mâche un chewing-gum sans saveur. Et derrière les filtres Valencia et les stories bien léchées, l’app préférée des millenials et des Gen Z cache un revers bien plus sombre qu’un simple excès de selfies. Car ce que beaucoup ignorent, c’est qu’Insta, sous ses airs innocents de galerie lifestyle, agit concrètement sur notre santé mentale. Et pas toujours dans le bon sens.

Un comparateur de vies sur boost

Si tu t’es déjà senti.e un peu nul.le après avoir maté la story de ce mec parti en Thaïlande sans prévenir, ou cette pote qui a lancé sa marque de vêtements en deux semaines chrono (spoiler : elle avait de l’aide), t’es pas seul.e. Instagram active ce qu’on appelle la comparaison sociale ascendante : on regarde ce que les autres ont (ou font semblant d’avoir), et on se sent à la traîne.

Des études psychologiques, notamment celle publiée dans le Journal of Social and Clinical Psychology en 2018, montrent que plus on passe de temps sur des plateformes comme Instagram, plus on est exposé à cette forme de comparaison toxique. Résultat ? Anxiété, baisse de l’estime de soi, voire symptômes dépressifs. Rien de bien glamour.

Et ce n’est pas un hasard si les courbes des troubles anxieux chez les jeunes explosent en parallèle des courbes d’utilisation des réseaux sociaux. Il y a corrélation, et de plus en plus souvent, causalité.

Le piège de la perfection (et des algos)

Sur Insta, tout est parfaitement calibré. Lumière dorée, poses naturelles (mais en réalité retravaillées en 12 clichés), visages filtrés, corps affinés, décors insolites. Bref, une esthétique où même les moments de “vulnérabilité” sont marketés. Cet idéal plastique n’est pas anodin. Il attaque directement notre rapport au corps — et ce dès l’adolescence.

D’après une enquête menée par Facebook (la maison-mère de Meta, qui possède Instagram), les chercheurs internes ont constaté que « 32 % des adolescentes affirment qu’Instagram les fait se sentir plus mal à propos de leur corps ». Et ils le savaient déjà en 2021. Autant dire qu’on blinde notre cerveau de standards inaccessibles, servis sur un plateau algorithmique.

Une dopamine qui coûte cher

Chaque like, chaque commentaire, c’est une micro-dose de dopamine. Ce neurotransmetteur est normalement lié à la récompense, au plaisir. Problème : les réseaux sociaux gamifient la vie comme une machine à sous numérique — tu postes, tu attends la validation. Et comme avec n’importe quelle dépendance, ça devient vite un cercle vicieux.

En termes neurologiques, Instagram agit comme une source de gratification immédiate. On reçoit des signaux de satisfaction, mais sans réelle construction émotionnelle derrière. Au final, cette boucle de récompense très superficielle affaiblit notre capacité à trouver du plaisir dans des choses plus profondes ou lentes (comme lire un bon livre ou simplement s’ennuyer, ce qui est paradoxalement bon pour la créativité).

Un espace qui manque (encore) de régulation

Contrairement à la télé ou à la presse, Instagram échappe encore largement aux mécanismes de régulation classiques. Les contenus sont modérés de manière automatique, biaisée (les algorithmes n’aiment pas les corps hors normes ni les messages trop militants), et surtout, la désinformation y circule à la vitesse du double-tap.

Ajoute à cela la pression des influenceurs, parfois peu transparents sur les partenariats commerciaux, et t’obtiens un cocktail instable entre faux-semblants et injonctions parfaites. Il y a peu de filets de sécurité pour les plus jeunes utilisateurs, dont le cerveau n’a pas encore terminé son développement critique — notamment la zone préfrontale, qui gère le jugement et la prise de recul.

Et IRL, ça donne quoi ?

Concrètement ? De plus en plus de jeunes adultes témoignent aujourd’hui de leurs “Instagram-fatigues”. Certains quittent carrément la plateforme, d’autres suppriment l’appli quelques semaines pour souffler. On assiste à une forme de rejet partiel, comme un contre-mouvement soft au diktat du beau filtré.

L’émergence d’alternatives comme BeReal (qui incite à partager des moments sans filtre, en temps réel) ou l’essor du contenu “low effort” (moins travaillé, plus brute) sur les stories montre qu’une lassitude s’installe. Les chiffres de 2023 rapportés par Statista confirment : alors que 2019 affichait 69 % d’utilisateurs quotidiens chez les 18-24 ans, on est tombé à 58 % en 2023.

Quelques signaux à surveiller

Tu te demandes si Insta a pris un peu trop de place dans ton quotidien ? Voici quelques warning signs à ne pas prendre à la légère :

  • Tu consultes Instagram dès ton réveil, et plusieurs fois par heure.
  • Tu te sens souvent moins “bien” après avoir scrollé, même sans raison précise.
  • Tu modifies tes plans ou choix de vie pour qu’ils soient “Insta-friendly”.
  • Tu ressens un manque ou une angoisse quand tu ne peux pas accéder à l’appli.
  • Tu te compares fréquemment à des influenceurs ou à des amis virtuels.

Alors, on fait quoi ?

Pas besoin de supprimer l’appli tout de suite ou de devenir ermite 3.0. Mais instaurer quelques pratiques simples peut aider à reprendre le pouvoir sur son feed (et sur sa santé mentale) :

  • Limiter la durée d’utilisation : Les iPhones et Androids permettent de fixer des limites quotidiennes. Commence avec 30 min/jour, et vois la différence.
  • Nettoyer son fil : Désabonne-toi des comptes qui te font te sentir mal, trop parfaits ou superficiels. Privilégie ceux qui t’inspirent sans culpabiliser.
  • Favoriser les moments hors ligne : Marche sans ton tel, fais du sport, dessine, ou lis un magazine en papier (si si, ça existe encore).
  • Utiliser avec intention : Pose-toi deux secondes avant d’ouvrir l’appli : pourquoi j’y vais ? Ennui ? Refuge ? Cherches-tu une interaction ou un like ?

Et surtout, rappelle-toi ceci : ce que tu vois sur Instagram n’est pas la vérité, c’est un extrait monté, filtré, scénarisé. Comme une bande-annonce d’un film qui n’existe pas.

Le numérique, c’est cool… mais pas sans recul

On ne va pas jeter toute la plateforme aux orties : Insta, c’est aussi de la créativité, du lien social, de la culture pop en direct, des communautés marginales qui trouvent leur espace et plein d’événements musicaux ou artistiques repérés avant tout le monde. Mais il est crucial de reconnaître son potentiel néfaste et d’ajuster l’usage qu’on en fait.

À une époque où le mental est mis à rude épreuve, où l’attention est une denrée rare, et où chacun lutte pour préserver un minimum de sérénité, Instagram doit être utilisé avec conscience. Parce que s’exposer au numérique ne doit pas se faire au prix de notre santé émotionnelle.

Alors oui, continues de liker les stories de tes potes musiciens, de suivre ton bar préféré ou de tomber sur des memes insolites. Mais souviens-toi que la vraie vie se passe aussi (et surtout) quand l’écran s’éteint.